dimanche 3 février 2008

Explication du "Sakkapanha Sutta" par Sayadaw Mahasi




Ci après des extraits d'un enseignement de Sayadaw Mahasi à propos du sutta Sakkapañha

Cet enseignement a été traduit de l'anglais par Vipassanasangha



Remarques préalables

J'ai décidé d'ajouter à ce blog, une rubrique "explication de sutta" que vous trouverez sous la rubrique SUTTA dans le plan détaillé du blog

  • Lire d'autres explications de sutta sur ce blog : ICI
Il est parfois nécessaire d'avoir une explication d'un sutta surtout lorsque l'on a pas encore l'habitude de lire des suttas régulièrement.

Au début, cela va peut-être vous sembler difficile mais ensuite lorsque vous lirez un sutta ( par exemple le soir avant de dormir) vous en comprendrez mieux le contenu.

Dans la tradition théravada la lecture des sutta est essentielle puisque cette tradition se base sur le "Bouddha historique" et donc sur l'étude des suttas.

Tout l'enseignement originel du Bouddha est regroupé dans les suttas.


Pour rappel : Le Digha Nikaya, ou "Collection des longs discours" ( digha en pali = "long") est la première division du Sutta Pitaka, et comprend trente-quatre suttas, regroupés en trois vaggas, ou divisions:

Silakkhandha-vagga -- La division qui concerne la moralité (13 suttas)
Mahâ-vagga -- La grande division (10 suttas)
Pâthika-vagga -- La division Patika (11 suttas)

Ce sutta : Sakkapanha (Questions de Sakka) expliqué par Sayadaw Mahasi, fait parti des 10 discours du "Mahâ-vagga"

Le canon pali est réparti en 3 corbeilles ( Ti-pitaka)

- Première Corbeille : La disciple (vinaya -pitaka)

- Deuxième Corbeille: recueille les "Textes de la Loi" (sutta-pitaka)
Les nombreux sutta ou textes de la deuxième corbeille sont regroupés en cinq recueils, chacun étant constitués de textes indépendants : "comptes rendus en quelque sorte, d'enseignements dispensés par le Bouddha ou par l'un de ses disciples immédiat"
(source: Religions et Histoires mai-juin 2006)

-Troisième Corbeille : Plus technique : (Abhidhamma-pitaka)

Tous les textes canoniques ont fait l'objet de commentaires, puis de sous commentaires, ect...


Je n'ai pas trouvé de traduction du Sakkapanha sutta en Français
  • Lire ce sutta en anglais : ICI

L'enseignement de Sayadaw Mahasi qui va suivre est très intéressant,
d'une part car il n'y a pas de traduction intégrale en français de ce sutta et
d'autre part car l'analyse en détail du sutta et notamment de sa "subtance" et de son "introduction" peuvent nous servir à comprendre d'autres sutta.

Essayez de lire ou de relire cet enseignement avec attention..

  • Pour rappel lire : Pourquoi et comment lire un sutta : ICI 


Petit resumé :

Alors que le Bouddha résidait dans la grotte d'Indasâla, près de Râjagaha, Sakka, le roi des devas, vient lui poser certaines questions.
- Il veut savoir pourquoi il y a de l'hostilité et de la violence entre les êtres et s'enquiert de la voie de pratique qui peut en amener la fin.
- Le Bouddha lui dit que ce sont l'envie et l'égoïsme qui entraînent cette hostilité, et que cette envie et cet égoïsme sont causés par les préférences et les aversions., qui prennent à leur tour leurs racines dans le désir. Et que ce dernier provient de la préoccupation mentale (vitakka) qui tire son origine des illusions samsâriques (papañca-sañña-sankha),.
- Ce discours prend fin avec un compte rendu savoureux de la frustration de Sakka lorsqu'il tente d'apprendre le Dhamma des autres contemplatifs. C'est dur de trouver un enseignant quand on est le roi.





L'enseignement de Sayadaw Mahasi :



Substance du Sakkapañha Sutta


Dans la littérature Bouddhiste, Sakka est le nom donné au roi des dieux (devas)
et pañha signifie question.

Le Sakkapañha Sutta est un discours que le Bouddha donna au roi des devas en réponse à ses questions.


Sakka demanda au Bouddha :

"Seigneur, il y a des devas, des êtres humains, des asuras, des nâgas, des gandhabbas et beaucoup d'autres créatures vivantes. Ces êtres veulent être libres des querelles, des conflits, de l'animosité et du malheur. Ils ne sont pourtant pas libres de ces maux de la vie. Qu’est ce qui les empêche (samyojana) d'accomplir leurs désirs ?"

  • Ici, les devas à qui il est fait référence étaient probablement les Catumahârâja et Tâvatimsa, devas que Sakka connaissait bien.
  • Les Asura devas étaient à l'origine les ennemis des Tâvatimsa devas, du fait que leurs batailles étaient mentionnées dans le Dhajagga et d'autres suttas. Autrefois ils vivaient dans le paradis Tâvatimsa, mais, alors qu’ils étaient souls, ils furent chassés par Sakka au pied du Mont Méru.
  • Les nâgas sont une espèce de serpents qui peuvent accomplir des miracles avec leurs pouvoirs psychiques.
  • Les gandhabbas sont une sorte de Catumahârâja devas qui excellent dans la danse, la musique et autres activités culturelles du monde céleste.

  • Enfin, il y a les yakkhas une sorte de démons, les animaux, etc…

Ces devas, les êtres humains et les autres êtres veulent être libres de la haine, ne veulent pas être rancuniers, maltraiter les autres, ni être eux-mêmes maltraités ou volés. Ils ne veulent pas devenir les ennemis d'autres gens.

En bref, toutes les créatures vivantes désirent la sécurité, la paix, la liberté et le bonheur. Pourtant elles sont toutes plongées dans le danger, la misère et la souffrance. Qu’est ce qui cause cette situation ?

Aujourd'hui nous entendons les appels universels pour la paix dans le monde et pour le bien-être de l'humanité, mais en fait ces espoirs pour un monde heureux sont loin d’être réalisés et cela soulève naturellement la question de la cause de notre frustration.


Dans sa réponse, le Bouddha a décrit la jalousie (issâ) et l’avarice (macchariya) comme les deux faits qui mènent à la situation malheureuse de l'humanité.

Issâ est la jalousie qui produit la malveillance envers ceux qui nous sont supérieurs et nous rend peu disposés à voir les autres aussi prospères que nous-mêmes.

Macchariya est l’avarice qui conduit à garder ses possessions pour soi. Ces deux choses : la jalousie et l’avarice, nous frustrent et causent des querelles, l'hostilité, le danger et la misère.


Ceux qui jalousent un homme à cause de sa prospérité, de son influence, de ses relations ou de son statut social, seront malheureux, bien qu’ils désirent la paix intérieure. Leur tristesse provient de leur jalousie. Naturellement, ceux que l'on envie deviennent nos ennemis et vice versa. Beaucoup de personnes souffrent de la jalousie qui engendre à son tour de la souffrance dans le cycle des existences.

Malgré le désir d'éviter le conflit, l’avarice y mène. On s’irrite si quelqu’un prend ou utilise nos biens propres. On en veut parfois même à nos proches, c'est évident dans le cas de couples mariés. L’avarice mène à l'hostilité, au danger, à l'inquiétude et à la misère.


Pour résumer la réponse du Bouddha: les causes premières de la jalousie et de l’avarice sont les objets des sens que nous aimons ou n'aimons pas. Le remède est d’observer tous les phénomènes provenant des six sens, d’éviter les pensées malsaines et d’avoir seulement des pensées saines.


Ceci est la substance du discours. Maintenant quelques mots au sujet de l'introduction du discours.



Introduction au sutta


L'introduction à un discours nous dit où, pourquoi, à qui et par qui a été donné le discours.

Cela sert à établir l'authenticité des enseignements du Bouddha. Sans cela, l'origine d'un discours soulève des questions, comme dans l'Abhidhamma Pitaka, qui n'a pas une telle introduction.

(...)

Pour que la postérité ne puisse avoir aucun doute sur l'authenticité des enseignements du Bouddha, la plupart de ceux inclus dans le canon du Premier Concile Bouddhiste ont des introductions basées sur les questions et les réponses des doyens de l'assemblée.
Les exceptions sont le Dhammapada et quelques autres discours.

L'introduction au Sakkapañha Sutta est superbe, elle rend le discours impressionnant et met en évidence la substance des enseignements du Bouddha.

Pour enregistrer un événement si important, le Vénérable Mahâkassapa a demandé au Vénérable Ânanda où, à qui et pourquoi le discours a été prêché et le Vénérable Ânanda répondit comme suit.

Une fois le Bouddha demeurait dans une grotte à l'est de la ville de Râjagaha dans le pays de Mâgadha. À ce moment-là Sakka cherchait à voir le Bouddha. Il avait vu le Seigneur la veille de son éveil suprême et une autre fois dans le Monastère Jetavana à Sâvatthi, mais comme il n'était pas alors encore mûr spirituellement, le Bouddha ne lui avait pas accordé d’entrevue. Cette fois-ci, Sakka avait décidé de voir le Seigneur accompagné par sa suite de devas, parce qu'il espérait entendre un discours que le Seigneur pourrait prêcher à quelqu'un parmi ses disciples qui était digne de libération. Cependant, c'était en grande partie sa crainte de la mort qui avait réveillé son fort désir de voir le Bouddha. Étant conscient que la fin de sa vie approchait, il était anxieux et cherchait quelque chose pour son salut.

(...)


Les Questions de Sakka et les Réponses du Bouddha


Tout d'abord Sakka demanda la permission au Bouddha de lui poser des questions. Il est coutume pour un être hautement cultivé de demander la permission avant de demander quelque chose. Donc, Sakka posa la question suivante :


"Seigneur ! Toutes les créatures vivantes veulent être libres de la colère et de la malveillance. Elles ne veulent pas se disputer ou être maltraitées. Elles prient pour avoir le bonheur, la sécurité, la paix et la liberté. Et pourtant elles ne sont pas libres du danger et de la souffrance. Quelle est la cause de cette situation ?"

Le Bouddha répondit :

"Oh, Roi des devas ! Toutes les créatures vivantes veulent le bonheur, la sécurité, la paix et la liberté. Et pourtant elles ne sont pas libres de la haine, des conflits, du danger et de la souffrance. Cette malheureuse condition est en raison de la jalousie (issâ) et l’avarice (macchariya)."


L’avarice (macchariya)

Macchariya est l’avarice qui conduit à garder ses biens pour soi. C’est ne pas vouloir partager avec d'autres les objets de son attachement. Elle est caractérisée par la possessivité extrême. Elle porte sur cinq points :

1) Logements.
2) Amis et relations.
3) Choses matérielles.
4) Qualités.
5) Connaissances.

La première catégorie d’avarice peut être trouvée parmi quelques moines qui ne veulent pas voir d'autres moines de bonne moralité demeurer dans leur monastère. Un moine peut ne pas vouloir que ses disciples donnent l'aumône à d'autres moines. De tels moines envieux, à cause de leur malveillance, devront subir beaucoup de souffrance après leur mort.

Vanna-macchariya est le désir de posséder exclusivement une qualité spéciale, comme la beauté physique, et en vouloir à ceux possédant la même qualité. Cela peut mener à la laideur comme conséquence kammique.

Dhamma-macchariya signifie envier une personne pour ses connaissances ou garder ses connaissances pour soi. Ce macchariya peut conduire à devenir bête ou idiot dans des vies futures.

Ainsi, l’avarice rend un homme malheureux, pauvre, seul et sujet à une grande souffrance après la mort.

(...)

La déclaration du Bouddha attribuant le malheur de l'humanité à la jalousie et à la malveillance était vraiment appropriée à Sakka, puisqu'en vue de sa fin prochaine, il était malheureux à l’idée que ses femmes tomberaient dans les mains de son successeur et à la pensée de ce dernier lui succédant. Ainsi, il comprit la vérité par la réponse du Bouddha et posa une autre question.



Amour et Haine

"Seigneur, quelle est la cause de la jalousie et de la malveillance ? Que devons-nous faire pour en être libres ?"

Le Bouddha répondit :

"Roi des devas la jalousie et la malveillance sont causées par les objets d'amour et de haine. Si de tels objets n’existaient pas, il n'y aurait aucune jalousie ni malveillance."

La façon d’éliminer la souffrance est d'éliminer sa cause, tout comme pour guérir une maladie, un médecin compétent cherche sa cause et l'élimine. Le Bouddha définit l’amour et la haine comme la cause du malheur de l’humanité.


Le Désir est la Cause de l'Amour et de la Haine

- Sakka demanda alors au Bouddha la cause de l'amour et de la haine.

Le Bouddha répondit que le désir était la cause de l'amour et de la haine. Ici, le désir auquel le Bouddha se réfère n'est pas le désir sain, mais le désir associé au plaisir et à l’avidité (tanhâ chanda).

Le désir est de cinq sortes :

1. Le désir insatiable de rechercher des objets des sens. Ce désir est le moteur puissant d’activités incessantes de l'homme jusqu'au moment de sa mort dans chaque existence.

2. Le désir insatiable d'obtenir des objets des sens. Quand un désir est satisfait, un autre désir surgit et de cette façon le désir avide n’en finit jamais. Il n’est pas étonnant que même les millionnaires éprouvent une grande avidité pour plus de richesses et d’argent au lieu d'être contents de ce qu'ils ont.

3. Le désir insatiable de profiter de divers objets des sens et de choses matérielles. Les gens qui aiment les spectacles, les chansons, etc... ne s’en lassent jamais.

4. Le désir insatiable d’amasser l’or, l'argent, etc... sous n'importe quelle forme, pour être utilisé en cas d'urgence.

5. Le désir de donner de l'argent à ses amis, employés, etc.

Ces cinq sortes de désirs génèrent l’amour et la haine. Les objets et les êtres vivants qui aident à satisfaire nos désirs causent l’amour, tandis que ceux qui entravent nos désirs causent la haine.

- Sakka demanda ensuite au Bouddha l'origine du désir.

Bouddha répondit que le désir est causé par la pensée discursive (vitakka). Selon les commentaires, vitakka signifie penser et décider.

(...)

- Puis Sakka demanda au Bouddha la cause de vitakka.

Le Bouddha répondit que vitakka est due à la perception, qui a tendance à s’étendre ou à se répandre (papañcasañña).

Il y a trois sortes de perception : l’avidité (tanhâ), la vanité (mâna) et la vue fausse (ditthi).

Une personne non attentive devient habituellement la proie de l’un de ces trois facteurs. Elle accroît chaque objet des sens qu'elle perçoit et s’en souvient à cause de son attachement, de sa vanité ou de sa vue fausse (l’illusion de l’ego). Comme une petite photographie qui peut être agrandie, chaque image mentale ou pensée se prête à l'expansion.

(...)
La conquête de l’avidité, etc..

Au moment de voir, on voit seulement la forme visible, ensuite la réflexion suscite l’avidité, la vanité et la vue fausse (l’illusion de l'ego). L’avidité la fait apparaître plaisante et l'amplifie. Il en est de même avec la vanité et l’illusion de l'ego. Par la suite, chaque souvenir de ce qui est vu génère la pensée et la décision, qui causent à leur tour le désir. De nouveau, le désir suscite l'amour et la haine qui entraînent la frustration et la souffrance de l’humanité.

En réponse à la demande de Sakka, le Bouddha expliqua le moyen de surmonter l’avidité, la vanité et l’illusion de l'ego. Selon lui, il y a deux sortes de sentiments plaisants et deux sortes de sentiments déplaisants : les sentiments plaisants ou déplaisants que nous devrions nourrir et les sentiments plaisants ou déplaisants que nous devrions éviter. Puis il y a les sentiments neutres de l’équanimité que nous avons quand nous ne sommes ni heureux, ni malheureux. L'équanimité est aussi de deux sortes.

Le sentiment plaisant, déplaisant ou neutre doit être nourri s'il mène aux états sains de conscience ; il devrait être évité s'il mène aux états malsains de conscience. Les commentaires décrivent cet enseignement comme la pratique de vipassana sur le noble chemin.

(...)

Sentiments Plaisants et Pensées Malsaines

Les sentiments plaisants qui mènent aux pensées malsaines sont enracinés dans les objets des sens.

La plupart des personnes sont préoccupées par les objets des sens comme le sexe et la nourriture. Si elles obtiennent ce qu'elles veulent, elles se réjouissent. Cependant, leur joie génère plus de désir et ainsi pour beaucoup de personnes leur prétendu bonheur est fondé sur le désir. Si leur désir n'est pas satisfait, elles sont frustrées et malheureuses. Cela montre l'effet de pensées malsaines, qui met en jeu les agents d'expansion, à savoir l’avidité, la vanité et la vue fausse.

(...)

La façon d'éviter les sentiments plaisants, mais malsains, est d’être attentif au moment de voir, etc. Si les pensées liées aux sens causent du plaisir, le méditant doit les noter et les rejeter. Cependant, celui qui débute ne peut pas suivre et noter tous les processus mentaux, il commence donc par l'objet de contact et prend conscience des éléments primaires : terre, eau, feu, air (pathavî, âpo, tejo, vâyo).

(...)

Joie Saine

Il y a la joie saine, que Bouddha décrit comme suit :

Ayant compris le caractère éphémère : l’impermanence, et la dissolution de la matière, le méditant sait que tout ce qui est matériel est soumis à l’impermanence (anicca) et est insatisfaisant (dukkha). Cette connaissance de la compréhension de la réalité cause la joie et une telle joie peut être décrite comme un sentiment plaisant lié à la libération du désir pour les plaisirs des sens.

Les commentaires décrivent quatre sortes de joie saine :

1) La joie due à la renonciation aux affaires du monde,
2) La joie associée à la pratique de Vipassana,
3) La joie basée sur la contemplation du Bouddha, etc…
4) La joie résultant de l'absorption du premier jhâna, etc…

(...)
Méditation vipassanâ

Le but de la pratique de la méditation vipassanâ est de noter tous les phénomènes psycho-physiques qui résultent du contact avec les objets de sens. Cela implique l'effort d'observer empiriquement tous les phénomènes comme ils sont vraiment, associés à leurs caractéristiques comme l’impermanence, etc.

(...)

Sentiments Désagréables à Rechercher ou à Éviter

Le discours mentionne deux sortes de sentiments désagréables : le sentiment désagréable qui mène à un kamma malsain (actions, paroles ou pensées) et le sentiment désagréable qui mène à un kamma sain. Le premier sentiment doit être évité tandis que le second sentiment est bienvenu. Les sentiments désagréables qui aboutissent à un kamma sain sont louables car ils contribuent à la pratique de jhâna, le noble chemin et sa réalisation, mais ils ne devraient pas être délibérément recherchés.

(...)
Équanimité Saine et Malsaine

Upekkhâ (l’équanimité) est une sorte de neutralité, qui n'est ni joie, ni douleur. Elle apparaît plus souvent que les autres sentiments, car la joie et la douleur sont des états occasionnels de conscience, mais on s’en aperçoit seulement quand la concentration est forte. De même l’équanimité est de deux sortes : l’équanimité saine qui mène aux bonnes actions et l’équanimité malsaine qui mène à de mauvais actes

(...)

Les commentaires du Sakkapañha Sutta expliquent l'équanimité saine en détails sur la base de ce qui est dit dans le Sutta Salâyatanavibhanga. L’équanimité saine ou équanimité orientée vers la renonciation est appelée nekkhamasita-upekkhâ et est de six sortes, dépendant des six sens. Le méditant qui est attentif à la disparition de tous les objets des sens se rend compte que chaque phénomène est sujet à l’impermanence, à la souffrance et à la dissolution. Cette compréhension de la réalité le mène à un sentiment d'équanimité qui l'aide à dépasser le monde des sens et le libère de l'attachement. Il est alors équanime face aux objets des sens tant agréables que désagréables.

(...)

La Renaissance de Sakka

En fait, l'objectif principal de la pratique de la méditation Vipassana est de chercher et de cultiver l'équanimité qui est associée à la compréhension de l'équanimité. À cette fin, nous devrions éviter la joie des sens et nous devrions chercher la joie saine dans les bonnes actions et dans la méditation. De même, nous devrions accueillir la douleur saine résultant de nos efforts frustrés sur le noble chemin et nous devrions éviter la douleur malsaine. De la même façon, nous devrions éviter l'équanimité malsaine du monde sensuel et chercher l'équanimité saine du noble chemin.

L'accent est mis sur l'aspect positif de la pratique. Autrement dit, nous devrions nous concentrer sur la joie saine, la douleur saine et l'équanimité saine, parce que la culture de ces états sains de conscience signifie l'élimination de leur aspect négatif, c'est-à-dire de leurs contreparties malsaines.

Nous devrions aussi éliminer la douleur saine par la joie saine. Cela signifie que si nous sommes déprimés à cause de notre échec à faire beaucoup de progrès sur le noble chemin, nous devons surmonter cette dépression en faisant plus d'efforts pour atteindre les compréhensions de la méditation Vipassana. De même, la joie saine doit être remplacée par l'équanimité saine, car cette équanimité saine ou Vipassana est le summum de la vie sainte.

Cependant, la joie atteinte dans la méditation Vipassana ne doit pas être complètement rejetée parce que cette joie forme la base pour les trois premiers chemins jhâniques et leurs réalisations. De plus, le méditant qui n'atteint pas de jhâna ne peut pas atteindre le quatrième chemin jhânique, qui est le chemin de l'équanimité. Il peut atteindre seulement les trois premiers jhânas avec la joie. Il atteint en général le chemin et sa réalisation par l'étape de la connaissance (anuloma ñana) avec la joie. C’est pourquoi le Bouddha parle de vipassanâ upekkhâ comme le plus haut état de conscience.

(...)


La Vertu du Code Monastique

Sakka demanda au Bouddha le rapport entre la moralité et la vie sainte. "Seigneur, quelle est la pratique morale qui nous protège des mondes inférieurs ou de pensées, d'actes, de mots malsains ?"

Le Bouddha dit : il y a deux sortes d'actes, les actes sains et les actes malsains. Il classifia les paroles et les moyens d’existence de la même façon. N'importe quelle action, parole ou moyen d’existence qui contribue à un bon kamma est sain et toute action, parole ou moyen d’existence qui contribue à un mauvais kamma est malsain. Les actions malsaines sont : tuer, voler et se livrer à une mauvaise conduite sexuelle. L'abstinence de ces actions constitue une action saine. Ce sont des préceptes pour les disciples laïques. Il y a beaucoup plus de préceptes que les bhikkhus doivent observer conformément aux enseignements du Vinaya Pitaka.


La Vertu de Contrôle de la Faculté des sens

Alors Sakka demanda au Bouddha comment un bhikkhu devrait pratiquer le contrôle des sens (indriyasamvarasîla).
Indriya signifie diriger ou contrôler et cela concerne les six organes des sens, à savoir l’œil, l'oreille, le nez, la langue, le corps et l’esprit. Ces six sens dirigent respectivement la vision, l'audition, l’olfaction, le goût, le contact et la conscience. Sakka demanda au Bouddha comment garder ces sens.

Le Bouddha fit une distinction entre deux sortes d'objets des sens : ceux qui devraient être acceptés et ceux qui devraient être rejetés.

Il faudrait accepter les objets des sens qui n’entraînent pas un mauvais kamma et encouragent un bon kamma
et
il faudrait rejeter ceux qui ne créent pas un bon kamma et entraînent un mauvais kamma. Nous devrions éviter de regarder les objets qui causent le plaisir, la colère, etc. S'ils sont inévitables, nous devrions arrêter de penser et pratiquer l’observation, ou nous devrions noter l'observation et stopper le vagabondage de l’esprit. C'est la façon de rejeter les objets des sens malsains.

(...)

Diversité de Croyances

Sakka fut très satisfait par le discours du Bouddha.

Avant qu'il ne soit venu pour voir le Bouddha, il avait rencontré plusieurs soi-disant sages et avait écouté leurs enseignements, mais il avait constaté qu'ils possédaient des croyances différentes.

Maintenant qu'il avait atteint le premier stade du noble chemin après l'audition des paroles du Bouddha, il connaissait le vrai Dhamma et il connaissait aussi vraiment le Bouddha et la Sangha. Il était maintenant libre de tous doutes.

Il ne le dit pas explicitement au Bouddha mais cela était sous-entendu dans sa question :
"Seigneur, est-ce que ceux qui s'appellent samana-brâhmanas ont tous les mêmes opinions ? Mènent-ils tous la même vie morale ? Ont-ils tous le même désir ou le même but ?"

Bien sûr, Sakka connaissait les réponses à ces questions, mais il demandait cela seulement comme prélude à sa question sur leurs différences.

Bouddha répondit à sa deuxième question comme suit.

"O Sakka ! Dans le monde, les gens n'ont pas le même tempérament. Leurs tempéraments sont différents. Ils pensent faussement, ils s'accrochent fermement et de manière obsédante aux croyances qui conviennent le mieux à leurs tempéraments. Ils insistent pour que seulement leurs idées soit justes et que toutes les autres opinions soient fausses. A cause de leur sectarisme tous les soi-disant sages et saintes personnes ont des opinions différentes. Ils sont confrontés à des systèmes différents de valeurs morales ; ils ont des désirs différents et des buts différents dans la vie."

(...)

Croyance en l’Éternité et Bouddhisme


(...) l'enseignement de Bouddha est très loin de l'idée d'un ego permanent.

Le bouddhisme nie l'existence d'une entité d'ego et reconnaît seulement le processus qui implique l’apparition et la disparition de tous les phénomènes physiques et mentaux.

Quand la conscience d’une renaissance cesse, la conscience du continuum de vie (bhavanga-citta) surgit, qui disparaît aussi incessamment. Avec le continuum de vie toujours dans cet état de flux, la conscience qui projette la forme visuelle, le son, etc... surgit et cette conscience est suivie par la conscience visuelle, la conscience auditive et ainsi de suite.

Quand cette conscience cesse, le continuum de vie prend sa place. Ainsi, les deux courants de bhavanga-citta et la conscience ordinaire coulent alternativement. Au moment de la mort, la conscience de la mort (cuti-citta), le dernier moment du continuum de vie, disparaît. La cessation de cuti-citta est nommée la mort qui signifie la cessation du processus du corps et de l'esprit, sans l’apparition d’une nouvelle conscience.

(...)

Immédiatement après la cessation de la conscience de la mort, la conscience de la renaissance surgit, conditionnée par le kamma de chacun. Cette conscience de renaissance marque le début d'une nouvelle existence. Donc, la renaissance n'a aucun rapport avec l'entité d'un ego ou le transfert du corps et de l'esprit de la vie précédente. Avec la cessation de cette nouvelle conscience, le flux continu du continuum de vie, surgit etc... comme dans l'existence précédente. Nous considérons ce processus du corps et de l'esprit, comme une personne particulière mais il n'incarne pas d'âme ou une entité d'ego. Ce fait peut être compris par ceux qui pratiquent la méditation Vipassana.

Le bouddhisme ne propose pas l’éternalisme puisqu'il enseigne que le désir mène à la renaissance. Quand le méditant atteint le stade d’Arahant, il est complètement libre du désir et des autres souillures. L'Arahant n'est attaché à aucun objet des sens.

(...)

Le But Suprême

Sakka fut heureux de la réponse de Bouddha et posa une autre question :

"Seigneur, est-ce que les samana-brâhmanas atteignent vraiment leur but suprême ? Y a t-il une réelle fin à leur servitude ? Vivent-ils la vie noble véritable ? Réalisent-ils vraiment le Dhamma ultime ?"

Ici le but suprême, la fin réelle de leur servitude (iccantayogakkhemi) et le Dhamma ultime (iccantapariyosana) se réfèrent à nibbâna. La vie noble est la pratique de la méditation Vipassana et du noble chemin. Autrement dit, avec ces quatre questions Sakka demanda au Bouddha si les ascétiques et les brâhmanas pratiquent la méditation Vipassana et le chemin octuple et s'ils atteignent nibbâna.

Le Bouddha répondit négativement. Selon le Bouddha, seulement les bhikkhus (moines) qui sont libérés par la pratique du chemin menant à l'extinction du désir réalisent le but suprême, mettent fin à la lutte, mènent la vie noble et atteignent le Dhamma ultime.

(...)

L'Exaltation de Sakka

Quand Sakka exprima sa joie lors de sa réalisation du premier stade du chemin saint, Bouddha lui demanda s'il avait déjà éprouvé une telle joie auparavant.

Sakka répondit : "Seigneur, j'ai été ravi une fois lors de ma victoire dans la bataille contre des Asuras, mais cette joie avait son origine dans le conflit d’armes. Cela n’a aucun rapport avec la désillusion et n'a pas mené à la connaissance spéciale ou à nibbâna. Mais maintenant ma joie lors de l'accomplissement du stade de Sotâpanna n'est pas enracinée dans le conflit d'armes. Elle est liée à la désillusion et au détachement et mènera aussi à l’éveil et à nibbâna."

(...)


TELECHARGER ce discours de Sayadaw Mahasi en entier (format PDF) : ICI


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