mercredi 4 juin 2008

Aung San Suu Kyi, Portrait d'une femme bouddhiste




Ces passages (que j'ai scanné) sont extraits de la préface du livre de Thierry Falise "Aung San Suu Kyi le Jasmin ou la lune"


Elle est arrivée portant un chemisier jaune, couleur de défiance, Couleur interdite par la junte militaire, pourtant c'est la couleur sacrée des bouddhistes.

Les militaires étaient très nerveux.. . Superstitieux Parce que ce jour là nous étions le 25/9/99
et le 8/8/88 était la date des massacres sanglants des étudiants et de la population deux années avant qu'elle ne gagne haut La main les élections en Birmanie et avant d'être à jamais leur prisonnière.

Visage lumineux, cheveux d'ébène piqués de fleurs, une rebelle magnifique, impertinente, l'audace d'une collégienne, malicieuse et drôle. Cette femme frêle est Aung San Suu Kyi.

Pendant notre entretien d'une heure à l'ambassade de France à Rangoon, j'ai écouté la bravoure d'une femme qui ne s'apitoyait jamais sur son sort, mais se souciait uniquement des autres, du sort de Win Tin en prison à même le sol, vieux poète...

Bouddhiste, pacifiste, non elle ne prendra pas les armes contre la junte militaire... Elle a pitié du tortionnaire car pour sa conscience à lui c'est plus cruel que les coups qu'il donne.

- Qu'est-ce que je peux pour vous ? ai-je demandé, désemparée.
- Faire parler de Win Tin, dit-elle.
Décourager tous commerces avec la Birmanie, tourisme, bois, pétrole.. . Même le riz, on oblige les paysans à faire deux fois leur récolte. Et ils ne perçoivent pas un centime de plus pour leur travail, ça part pour la corruption...


- Ça doit être dur de vivre loin de vos enfants?
- Oh non ! sourit-elle avec cette malice d'écolière cependant triste. On ne peut pas les utiliser comme chantage contre moi, ils sont en sécurité, mes compatriotes n'ont pas cette chance...

Écoutez les moteurs quand je partirai d'ici... Deux motos et deux voitures militaires me suivront... Dans le temps, je les faisais courser mais maintenant leurs moteurs sont plus puissants que ma voiture, elle rit.

- Pourquoi on ne vous tue pas ?
Elle se retourne avec ce sourire énigmatique et j'ai eu l'impression que je l'ai vue, ma Dame pour la dernière fois...

... une compagnie pétrolière française exploite sans scrupule le gaz dans ce pays dirigé par des militaires terrifiants aux prisons sinistres...
Cette femme trop aimée, trop populaire est dans leurs mains...

Jane Birkin


Depuis cette dédicace , des choses se sont passées en Birmanie, mais après l'euphorie des manifestations dans la rue, cette vision inouïe de courage des moines, des étudiants n'ayant plus rien à perdre devant l'horreur de la pauvreté et de l'injustice dans leur pays, marchant solidaire pourle parti Démocratique, sûr de notre soutien, de notre aide... Ils ont payé de leurs vies.

Combien de tortures, combien de morts ? Nous n'avons pas bougé le petit doigt pour les aider. la Croix-Rouge est interdite en Birmanie, aucun constat n'a été fait des disparus, des morts. Nos politiciens n'ont rien changé de leur "policy", depuis toujours"business as usual " le silence est retombé sur la Birmanie.

J'ai l'impression que la finance, l'argent sont nos conseilleurs et nos pays sont tous pareils, prêts à fermer les yeux pour ne pas voir les tortures, à se boucher les oreilles pour ne pas entendre les cris et pour conserver leurs intérêts, alors que le sang éclabousse les murs des monastères.

Quand plus tard, les disparitions, le chiffre des morts seront connus, nous feindrons l'horreur alors que nous étions directement complices de n'avoir pas porté secours à ces personnes en danger...

" Elle " : quelle déception a t-elle dû ressentir ou bien, dans son coeur bouddhiste, nous a-t-elle plaint de notre lâcheté,... de nos faiblesses habituelles et enfin sait-elle la peine qu'un jour nos consciences ressentiront ?

Pardon Madame ne ne pas avoir été à votre hauteur d'intégrité, d'avoir oublié la moralité, peut être vous vous en doutiez, mais je crains que nous ayons été malheureusement un espoir...


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Remarques

Alors que la Birmanie était retombée dans le silence, comme le souligne l'auteur dans la préface ci dessus, depuis le cyclone Nargis, ce pays cher à mon coeur, est de nouveau sous les projecteurs. Malheureusement cette phrase est plus que jamais d'actualité :

nous sommes "
directement complices de n'avoir pas porté secours à ces personnes en danger..."

et nous devrions demander pardon cette fois ci, à tous Birmans.

Dans un de mes messages, publié le 1 juin sur "Birmanie mon coeur saigne", j'écrivais

... la junte est responsable, l'ONU est responsable, L'Europe est responsable, nous sommes responsable. Ensuite, appelez ça comme vous voudrez, "négligence", "non assistance à personne en danger" et même "complicité", peu importe, mais nous devrons un jour ou l'autre, nous tous, rendre des comptes aux birmans mais aussi à tous les peuples qui souffrent de cette manière et leur expliquer pourquoi on les a laissé mourir sans rien faire ou presque, enfin juste le minimum pour se donner "bonne conscience."....

Quelle naïveté de ma part, mais parfois je me prends à espérer une intervention militaire qui serait effectuée uniquement dans l'intérêt du pays concerné et non dans l'intérêt du ou des pays qui interviennent.
Je me prends à espérer que l’action humanitaire ne soit plus une arme dans les mains de certains pays occidentaux "donneurs de leçons" mais un véritable acte de compassion... (Birmanie, "négligence criminelle?")




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