vendredi 6 juin 2008

la pratique du dhamma

Ci après un enseignement donné par Buddhadasa Bhikkhu à des méditants occidentaux venus étudier au Suan Mokkh, en 1986.
Extrait de « Le remède naturel contre les maux spirituels. »



...nous allons discuter de la bonne utilisation du Dhamma, c'est-à-dire, de comment vivre avec le Dhamma.

Quand nous parlons du Dhamma, nous voulons dire la connaissance que nous devons mettre en pratique afin de pouvoir soigner les maux spirituels.

Concernant cette pratique, il y a quatre importantes choses (dhammas) qui doivent être comprises (la signification initiale du mot: “Dhamma” est le mot “chose”. Mais ici, dhamma signifie “qualité” ou “vertu”. Vous allez voir que ce mot, cependant, peut avoir de très nombreuses significations, niveaux et ramifications )

Ces trois « choses » (dhammas) sont : sati (la pleine conscience, l’attention), sampajanna (la sagesse-en-action, la compréhension « en éveil »), samadhi (la concentration), et panna (le sagesse intuitive, ma vision intérieure).

Si vous observez soigneusement, vous constaterez que ces quatre dhammas, vous les avez déjà fait apparaître par la pratique d’anapannasati (la pleine conscience de la respiration).

Maintenant, nous allons passer en revue ces quatre dhammas et voir comment nous pouvons nous en servir, les mettre en action.


Sati : la pleine conscience, l’attention

Sati doit être vive comme une flèche

Sati (la pleine conscience, l’attention, la réminiscence) : c’est la conscience vive, la réminiscence des choses qui doivent être gardées en mémoire. Sati doit être vive comme une flèche

Nous pouvons aussi décrire sati comme un véhicule ou un moyen de transport de la plus rapide des espèces. Ce moyen de transport très vif, ne véhicule pas des objets matériels, il transporte la sagesse et la connaissance.

Sati apporte la sagesse (panna) au moment où nous en avons besoin. Grâce à la pratique de la pleine conscience de la respiration, sati est entraînée et développée.


Sampajanna : « la sagesse en action »

Le second dhamma est sampajanna. Sampajanna est le sagesse car elle rencontre et analyse immédiatement un problème quand celui-ci survient, afin de pouvoir agir et traiter ce problème – c’est la sagesse-en-action. Sampajanna est cette forme de sagesse bien spécifique qui s’applique à une situation ou un évènement précis.

Néanmoins, vous avez sûrement dû trouver toute une série de traduction pour ce terme « sampajanna » ; ce qui peut être source de confusion. Nous vous conseillons de ne retenir que cette définition : « la sagesse en action ». ou mieux, apprenez le mot en pali, ainsi il n’y aura pas de doute.

Le terme « sagesse » peut avoir de très nombreuses significations et être compris différemment. Le terme « sampajanna » a une signification bien limitée. Cela concerne la sagesse qui est immédiatement nécessaire pour faire face à un problème qui se pose à nous.
Cette sagesse active n’est pas une sagesse générale, elle s’applique à des situations bien particulières.

C’est la même chose qu’avec le terme « Dhamma » qui a une incroyable multiplicité de significations en fonction du moment et de la manière dont il est utilisé.

Quand le Dhamma est appliqué pour résoudre un problème spécifique, un évènement ou une situation particulière, il y a un Dhamma spécifique pour cette situation spécifique. La signification du terme est circonscrite à l’occasion et aux circonstances.

Dans le cas d’un dhamma employé pour éclaircir un problème, l’expression la plus précise et la plus adaptée est « Dhamma-sacca » ( Dhamma-Vérité). Dhamma-sacca est le dhamma particulier employé pour une situation immédiate à laquelle dont devons faire face, que ce soit au début de la « maladie » spirituelle ou lors de l’exposition aux germes de ce mal spirituel.
C’est l’utilisation appropriée d’un dhamma spécifique à un évènement ou incident précis.

Nous pouvons comparer le Dhamma à l’armoire à pharmacie de notre maison. Dans celle-ci, nous stockons une grande variété de médicaments, de pilules, de pommades, de poudres et de sirops, pour tous les usages. Mais, en fait, quand nous sommes malades, nous devons choisir parmi tous ces médicaments celui qui correspondra à la maladie que nous avons et qui saura traiter ce mal. Nous ne pouvons pas prendre tous les médicaments ; nous devons prendre seulement celui qui est nécessaire pour soigner notre mal, ici et maintenant.

La même chose est vraie pour le Dhamma. Veuillez comprendre qu’il existe une variété incroyable de ce que nous appelons Dhamma et panna, et que nous n’en utilisons qu’une infime portion à chaque fois. Nous n’utilisons que la portion adaptée qui peut prendre en charge une situation immédiate et précise.

Sachez utiliser Dhamma et panna en fonction de notre situation et de notre problème. Le Dhamma et la sagesse qui peuvent contrôler la situation et problème, c’est ce que nous appelons « sampajanna ».

Samadhi : « l’esprit bien établit, l’esprit correctement maintenu, l’esprit bien stable »

Le troisième dhamma que nous allons aborder aujourd’hui est samadhi. Ce qui signifie littéralement « l’esprit bien établit, l’esprit correctement maintenu, l’esprit bien stable ».

Le Bouddha a donné la signification la plus large possible de samadhi quand il l’a défini comme : « l’esprit focalisé – one pointed mind – (ekaggata-citta) qui a le nibbana pour objet ».
(« Egaggata-citta » ne doit pas être confondu avec « ekaggata » Ces deux termes font référence à la focalisation, mais ils sont employés dans différents contextes. Le dernier terme fait référence à un facteur de jhana. Le premier se réfère à « l’esprit qui est dirigé sur un seul objet ou sujet »).

Nous pouvons dire que samadhi a trois caractéristiques : parisuddhi (la pureté), samahita (la fermeté, la constance, la stabilité) et kammanaya (la réactivité, la promptitude, la capacité à œuvrer).

Ainsi, si vous voulez savoir si l’esprit est en état de samadhi ou non, examinez-le et voyez s’il comprend ces trois qualités. Voyez s’il est, ou non, pur, stable et actif.

Quand nous parlons du pouvoir ou de l’énergie de samadhi, nous voulons indiquer la manière dont l’esprit focalise toute son énergie sur un seul point. C’est la même chose qu’une loupe qui est capable de focaliser les rayons du soleil sur un seul point et qui fait apparaître une flamme.

De même, quand la puissance de l’esprit est rassemblée sur un seul point, celui-ci est focalisé (one-pointed). L’esprit qui est en samadhi produit une énergie colossale, qui est plus forte que n’importe quelle autre forme de puissance.

Nous pouvons décrire cet esprit très fortement concentré de deux manières:
-La première est « indriya » qui signifie « souverain » ou « chef ».
-La seconde est « bala », qui veut dire « puissance, force, rabutesse ».

Ainsi, nous avons samadhi-indriya et samadhi-bala, l’esprit qui a la souveraineté et davantage de puissance que n’importe quoi d’autre.

Samadhi doit travailler ensemble avec la sagesse. Samadhi est comme le poids du couteau et panna en est le tranchant. Pour qu’un couteau puisse couper correctement quelque chose, il doit posséder deux choses : le poids et le tranchant. Un couteau qui est pesant, mais émoussé, tel un marteau, ne peut rien couper et ne fait que de la charpie. D’un autre coté, un couteau très effilé, mais qui ne pèse pas, telle une lame de rasoir, ne tranchera jamais ce qu’il est sensé couper. Un couteau a besoin des deux propriétés ; l’esprit de même.

Pour faire ce qu’il doit faire, l’esprit a besoin à la fois de samadhi et panna. Vous pourriez vous demander qu’est ce qui fait qu’un couteau coupe : la pesée exercée sur la lame ou le tranchant de celle-ci ? Si vous êtes capable de comprendre ceci, il vous sera plus facile de comprendre comment le Dhamma tranche au travers des problèmes, c'est-à-dire, les impuretés mentales.

Au moment de l’activité de sampajanna, samadhi et panna travaillent de conserve pour couper au travers du problème. Ils sont interconnectés et, dans la pratique, ils ne peuvent être dissociés.

Panna : la sagesse

Il nous reste à parler du dernier dhamma : panna (la sagesse, la connaissance intuitive, la vision intérieure).

La signification de ce mot est très large. Littéralement, il signifie « connaître complètement ».

Cela ne veut pas dire connaître tout ce qui peut être connu, mais connaître ce qu’il est nécessaire d’être su.

Panna est la connaissance complète et adéquate de ce qu’il est important de savoir. De toute les choses qui peuvent être connues, panna ne fait référence qu’aux choses qui nous serons utiles pour nous permettre de résoudre nos problèmes.

Par exemple, il n’est pas nécessaire de connaître la structure de l’atome ou d’avoir la connaissance sur les espaces intergalactiques.

Nous n’avons besoin de savoir seulement ce qui permet la cessation de dukkha (les maux spirituels), directement dans notre esprit.

Ce qui mérite d’être su, c’est seulement ce qui se rapporte à la cessation de dukkha. Cela est conforme à l’enseignement du Bouddha qui rappelait qu’il n’enseignait rien d’autre que ce qui se rapportait à dukkha et à la cessation de dukkha.

Il existe une belle citation en pali que j’aimerais que vous entendiez :
« Pubbe caha bhikkhave etarahica dukkhanava pannapemi dukkhassa ca niodha. » ( Bhikkhus ! Dans les temps passés, aussi bien qu’aujourd’hui, je n’ai parlé que de dukkha et de l’extinction totale de dukkha)

Le Bouddha ne fait pas référence au futur, car celui-ci n’existe pas. Mais, dans le passé comme dans le présent, il n’enseigna que ces deux choses.

Parmi les choses que nous devons savoir, nous pouvons citer quatre importants aspects de la sagesse:
Le premier sujet que j’aimerais aborder, il y a les trois caractéristiques de l’existence (ti-lakkhana) : anicca (l’impermanence, le changement), dukkha (l’insatisfaction), et anatta (le non-soi et l’altruisme) (« selflessness » peut être traduit par « altruisme » ou « générosité désintéressée »).
Vous pouvez trouver ces explications détaillées sur ces trois caractéristiques dans de très nombreux ouvrages ; je me contenterais seulement de les rappeler brièvement aujourd’hui.


Toute chose composée :

Anicca signifie que toute chose composée est en constant changement.

Veuillez noter que nous ne parlons que des choses composées. Les choses non composées n’ont pas cette caractéristique d’anicca.

L’impermanence ne s’applique qu’aux choses qui sont produites par des causes et des conditions. Comme ce terme « choses composées » est important, vous feriez bien de retenir le terme pali, « sankhara ». Sankhara signifie : « former, composer, inventer, conditionner », et s’applique à cette myriade de choses qui, en permanence, produisent et conditionnent de nouvelles choses. C’est une caractéristique ou activité de toutes les choses phénoménales, comme ces arbres autour de nous.

Différentes causes interagissent ensemble dans ceux-ci. De nouvelles chose apparaissent, il y la croissance et le développement, les feuilles grandissent et tombent, le changement est incessant. Sankhara est cette activité continuelle de changement. Tout ce qui est conditionné dans l’existence est appelé « sankhara ». Les conditions de l’apparition de ces choses et ces choses elles-mêmes, sont appelées « sankhara ». Ainsi, « sankhara » englobe à la fois, les choses conditionnées et les choses qui conditionnent et aussi, les causes et les effets du conditionnement.

Nous pouvons comparer ce conditionnement sans fin aux briques d’un mur. Chaque brique supporte une autre brique qui elle-même supporte une autre qui en supporte une autre et ainsi de suite, par couche successives. Chaque brique supporte d’autres briques et est soutenues par les briques qui sont sous elle. Chacune d’elles supporte et est supportée.

Ainsi, sankhara possède trois significations, à la fois verbe et nom.
-La première signification, le verbe, est l’activité de former, de composer, de conditionner.
-La seconde signification se réfère aux choses conditionnées par cette activité et
- la troisième se réfère aux causes et aux conditions de cette activité.
La signification de sankhara est aussi vaste que cela.

Observez cette activité de conditionnement, vous la verrez dans toutes choses. Sans cette activité qui fait que des choses sont continuellement composées et celles-ci composent sans cesse d’autres choses, il n’y aurait pas d’existence, de vie. Il ne peut y avoir de vie, d’existence que par ce perpétuel conditionnement et reconditionnement.

Mais parfois, ce conditionnement est si subtil que nous ne pouvons pas le percevoir. Il peut même être caché, comme dans une roche. Il y a un perpétuel conditionnement qui se produit dans chaque roche, mais quand vous regardez, vos yeux ne peuvent pas le détecter. Néanmoins, soyez conscient du processus de conditionnement incessant dans toutes les choses qui existent.

La meilleure approche est de voir ce processus de conditionnement en vous-même. Tout cela se produit dans notre corps. Nous pouvons voir le conditionnement en nous, nous pouvons voir les choses alors qu’elles sont conditionnées, et nous pouvons voir les choses qui les conditionnement.

En regardant en nous, nous pouvons voir ce sankhara. Il y a le conditionnement de l’agrégat du corps (rupa-khandha) ; le conditionnement de l’agrégat des sensations (vedana-khandha) ; le conditionnement de sanna-khandha, qui est l’agrégat des perceptions, des identifications et des classifications ; le conditionnement de l’agrégat de la pensée (sankhara-khandha) ; et enfin, le conditionnement de l’agrégat de la conscience (vinnana-khandha).

Ces cinq importants groupes ou agrégats, leur existence et leur constant conditionnement peuvent être observés dans nos corps, alors que ceux-ci sont vivants.


Le point de contact :

Examinez les transmissions ou points de contact : maintenant les yeux travaillent, maintenant les oreilles travaillent, maintenant le nez travaille, maintenant la langue travaille, maintenant la peau travaille, maintenant l’esprit travaille. Un par un, ils assurent leurs fonctions, ils font leur travail. Quand l’un d’eux fonctionne, alors, à ce moment, il y a sankhara.

C’est quand, où et comment nous pouvons observer les conditionnements se produire. Dans le corps, il se produit un incessant conditionnement et un changement constant. Les cellules meurent et de nouvelles croissent, durant un temps et seront remplacées à leur tour. Même ces aspects purement physiques de l’existence révèlent le sankhara.

Dans ce corps, il y a six organes sensoriels : les yeux, les oreilles, le nez, la langue, la peau et l’esprit. Ceux-ci rencontrent les objets extérieurs des sens : les formes, les sons, les odeurs, les goûts, le toucher et les objets mentaux. Quand l’organe des sens entre en relation avec l’objet des sens correspondant (par exemple, l’œil voit la forme ou l’oreille entend le son…), alors se produit le conditionnement. Une forme est vue, un son est entendu, une odeur est sentie. Nous nommons cela « phassa » (le contact).

C’est le point de départ du phénomène de conditionnement ; une série de sankhara plus profonds apparaît de cela. La rencontre de l’organe des sens avec l’objet des sens (œil et forme, oreille et son… esprit et formation mentale) conditionne phassa. Phassa conditionne védana (les sensations : les réactions plaisantes ou déplaisantes face à ces expériences sensitives).

Védana aide au conditionnement de sanna, parce que les perceptions et l’identification de ces perceptions surgissent en fonction de ces sentiments.

Quoi qu’il arrive, est ainsi identifié et classifié. Sanna conditionne alors diverses pensées, y compris les émotions (sankhara-khandha). Et ceci nous conduit à agir d’une manière ou d’une autre. Puis, le résultat de ces actions nous conduisent à davantage de pensées, qui nous entrainera à de nouvelles actions et ainsi de suite…

Voilà un exemple de ce que nous désignons par « conditionnement ». Nous voyons que cette sorte de conditionnement se produit en permanence, même dans notre propre corps. Jamais cela ne s’arrête, ni ne prend du repos. Cela se poursuit que nous soyons éveillés ou endormis. Ce flux perpétuel, ce flot incessant, c’est la caractéristique d’anicca.


Dukkha :

Quand nous voyons clairement la caractéristique d’anicca, il est facile de comprendre la deuxième caractéristique, dukkha (l’insatisfaction, l’insupportable, la laideur, l’insignifiant).

Si nous voulons que les choses aillent selon notre idée, nous expérimentons dukkha. Quand les chose ne restent pas comme nous le souhaiterions ou nous le voudrions, nous éprouvons dukkha.

En fait, rien ne se produit réellement comme nous voulons, car rien ne reste inchangé suffisamment longtemps pour correspondre à ce que nous voulons. Alors, notre insatisfaction (dukkha) est sans fin. C’est la caractéristique de dukkha.

Quand nous regardons étroitement nous voyons que, nous-même, nous avons ces caractéristiques : l’impermanence, la souffrance et l’insatisfaction.

Les choses que nous aimons et qui nous plaisent sont anicca et dukkha. Les choses que nous n’aimons pas sont anicca et dukkha. Il n’y a rien dans tous les sankhara qui ait les caractéristiques de la permanence (nitta) et qui soit satisfaisant (adukkha). Nous devons voir anicca et dukkha en nous-même de cette façon.

Quand nous voyons complètement l’impermanence, quand nous voyons complètement la souffrance, l’insatisfaction, alors de manière automatique nous voyons que toute chose est anatta (sans-soi). Il n’y a rien que nous puissions appeler « Je », « moi ».

Parmi tous ces changements et ces conditionnements, il n’y a aucune entité individuelle ou substance éternelle qui peut être assimilé à un « soi ». Tout est anatta, sans-soi. Les choses existent ; noous ne disons pas le contraire. Ce qui est, est ; mais tout ce qui est, est sans soi propre. Nous ne devons pas nous méprendre et penser que nous avons un soi (atta). Il y a seulement le flot du changement. Tout ceci est la compréhension ou panna au sujet d’anicca, dukkha et anatta.


La vacuité :

Le deuxième sujet est la compréhension ou panna(sagesse) à propos de sunnata (la vacuité). Quand nous voyons les trois caractéristiques d’anicca, de dukkha, d’anatta, quand nous comprenons que toute chose n’a pas d’entité propre, alors nous comprenons que toute chose est vide de soi, est vide de quoi que ce soit que l’on puisse nommer : un soi.

C’est la signification de sunnata. Cette caractéristique simple de sunnata recoupe et recouvre les trois premières caractéristiques (anicca, dukkha et anatta).

La signification de « sunnata » est meilleure, plus large, plus facile et plus utile que n’importe quel autre mot pour définir le principe de la pratique et le principe de la vie. Encore faut-il que nous comprenions ce terme à la lumière du Dhamma, dans la langue de sati-panna (la pleine conscience et la sagesse).

Il ne doit pas être compris suivant des caractéristiques matérialistes, comme « rien n’existe » ou « tout est vide ». Le Bouddha a insisté sur le fait qu’une telle vue nihiliste est une conception extrême et une compréhension erronée. Sunnata n’est pas le nihilisme ou le néant. Les choses existent, mais elles sont vides et libres de quoique ce soit qui puisse être qualifié de « soi ».

Alors, nous disons que toute chose est vide, c’est la signification de la « vacuité » dans le langage du Dhamma. Si nous voyons sunnata, cela incluse voir anicca, dukkha, et anatta. Nous n’avons pas besoin de voir ces quatre caractéristiques ; en voir juste une seule – la vacuité – est suffisante pour prévenir les impuretés mentales (kilesa : perturbations et contaminations de la nature calme de l’esprit).

Quand nous voyons la vacuité dans les choses que nous aimons, nous cessons d’aimer. Quand nous voyons la vacuité dans les choses que nous haïssons, nous cessons de haïr. Alors, il n’y a ni amour, ni haine, ni attirance, ni répulsion, ni bonheur (sukha), ni souffrance (dukkha). Il y a juste une voie médiane, vivre dans la quiétude et la liberté de la voie du milieu. Tel est le fruit de la vraie compréhension de la vacuité des choses.

Tant que l’amour et la haine subsistent, l’esprit reste esclave de cet attachement aux choses que nous aimons ou que nous haïssons. Avec la complète compréhension de sunnata, l’esprit est libre, délié de ces choses. La véritable liberté, c’est la vacuité.

Sunnata est un synonyme de nibbana. Nibbana est vacuité. Quand l’esprit comprend la vacuité, il n’y a plus d’impuretés mentales, il n’y a plus de chaleur ; il y a nibbana, qui signifie « le calme, la fraîcheur ». Ainsi, quand il y a sunnata, il y a le calme, la « fraîcheur », nibbana. Le Bouddha a dit : « Vous deevez toujours regarder le monde comme une chose vide d’atta (de soi) et d’attaniya (appartenance au soi). C’est le second aspect de panna.


La Loi de la Nature : la loi des causes et des effets

Le troisième sujet que je souhaite aborder est la conditionnalité (idappaccayata), ce qui veut dire : « parce que ceci est, ceci est ; parce que ceci se produit, ceci se produit ; parce que ceci n’est pas, ceci n’est pas ; parce que ceci cesse, ceci cesse ».

Ces conditions sont appelées « idappaccayata », la loi des causes et des effets.

Nous pouvons aussi l’appeler la loi de la coproduction conditionnée (paticca-samuppada) car idappaccayata et paticca-samuppada sont la même chose, le même principe de sagesse qui doit être étudié, observé et compris.

Vous verrez que toute chose en ce monde est un flot constant, que le monde est un flux continuel. C’est un sujet profond et perplexe. De nombreux livres traitent de cela en détail ; certains sont complexes, surtout ceux traitant ce sujet en termes de coproduction conditionné.


Tathata « Simplement ainsi », « juste cela »

Maintenant, nous arrivons au quatrième sujet : tathata (l’ainsité). « Simplement ainsi », « juste cela » : chaque chose est telle qu’elle est et ne peut être différente de cette « ainsité ».

Ceci est appelé « tathata ». Quand tathata est vue, les trois caractéristiques d’anicca, de dukkha et d’anatta elles-aussi sont vues, sunnata est vu et idappaccayata est vue.

Tathata est le résumé de tout ceci – simplement ainsi, seulement ainsi, non-altérité possible – ; il n’y a rien de meilleur que ceci, rien de plus que ceci, rien d’autre que ceci...

Pour comprendre intuitivement tathata, il faut voir la vérité de toute chose, il faut voir les choses qui induisent en erreur. Ces chose qui leurrent sont celles qui font naître en nous la discrimination et la dualité : bien et mal, bonheur et tristesse, victoire et défaite, amour et haine, etc.

Il y a de très nombreuses paires opposées de cette sorte dans le monde. En voyant pas tathata, nous permettons à ces choses de nous leurrer en nous faisant croire à cette dualité : ceci-cela, attirance-répulsion, chaud-froid, mâle-femelle, impureté-éveil.

Cette illusion est la cause de tous nos problèmes. Emprisonnés dans ces oppositions, nous ne pouvons pas voir la vérité des choses. Nous retombons dans l’attirance et la répulsion, qui à leur tour nous amène dans les impuretés (kilesa), parce que nous ne voyons pas tathata.

Ce que nous devons voir, constamment et en profondeur, c’est que le bien est sankhara et que le mal, lui aussi, est sankhara. Les sensations plaisantes et déplaisantes, sukha et dukkha, sont toutes deux sankhara. Il n’y a rien qui ne soit pas sankhara.

De même, toute chose est tathata. Toute chose a cette caractéristique....

De plus, nous pouvons dire que le ciel est sankhara et que l’enfer est sankhara. Aussi, ciel et enfer sont tathata – juste ainsi.

Notre esprit doit être au-dessus du ciel, au-dessus de l’enfer, au-dessus du bien et du mal, au-dessus de la joie et de dukkha. Tathata est le quatrième sujet de la compréhension ou panna, la sagesse qui doit être développée à un niveau suffisant.

Nous devons étudier la réalité à la fois au niveau physique et matériel et au niveau mental et spirituel, jusqu’à ce que notre connaissance et notre sagesse soient adéquates et constantes.

Maintenant nous connaissons les quatre dhammas : sati, sampajanna, samadhi et panna. Il nous reste à apprendre comment les mettre en pratique de manière que cela nous conduise à une forme de sagesse correcte, réussie et salutaire.

La question maintenant c’est : comment employer le Dhamma, ou bouddhisme, dans nos vies quotidiennes ?


Dhamma dans la vie de tous les jours :

Comment allons-nous employer ces quatre dhammas dans nos vies quotidiennes ?

Une réponse rapide : nous devons vivre nos vies à la lumières de ces quatre dhammas. Nous devons employer ces quatre dhammas de manière correcte pour faire face à chaque situation et chaque problème qui arrive chaque jour.

Toutes les fois que surgit une situation qui pourrait nous conduire aux problèmes ou à dukkha – comme les yeux voyant une forme, les oreilles entendent un son, ou l’esprit ayant une pensée – nous devons avoir sati. Sati, immédiatement, amène le sagesse nécessaire face à cette situation afin de traiter les problèmesqui pourraient apparaître. La pleine conscience vient en premier.

Cette sagesse appliquée à l’expérience est sampajanna. Amenée à temps par sati, cette sagesse-en-action traite la situation telle qu’elle se présente. Puis, dans le même temps, alors que sampajanna est en action, la puissance de samadhi donne la force et l’énergie à la sagesse afin qu’elle puisse s’attaquer au problème.

A ce niveau, il y a samadhi ; à ce niveau la sagesse-en-action est capable de résoudre le problème. Panna agit comme un vaste entrepôt où serait stockées la connaissance et la vision intérieure dont se sert sati pour traiter avec les expériences des sens.

Quand ces quatre dhammas travaillent de conserve, nous pourrons voir que nous devenons plus intelligent. Nous sommes intelligents car nous avons la capacité de faire face aux situations qui se présentent à nous, sans engendrer de nouveaux problèmes ou tensions. Nous ne sommes pas asservi aux influences de toutes les paires opposées. C’est la vie libérée, paisible et fraîche. C’est le meilleur que puisse atteindre un être humain.

Pour résumer, nous devons posséder suffisamment de panna, nous devons employer sati à tout moment, nous devons appliquer sampajanna correctement et nous devons employer samadhi de manière appropriée et avec une puissance adéquate. Ensemble, ces quatre dhammas doivent employés de manière correcte et avec suffisamment d’énergie, dans toutes les situations qui peuvent se présenter à nous. C’est la réponse à la question : comment employer le Dhamma avec succès ?

J’espère que chacun d’entre vous va employer ces quatre dhammas dans votre vie. Rien d’autre ne pourra justifier le temps, l’effort et la dépense que vous avez dépensés pour venir ici. J’espère que vous ne partirez pas d’ici avec des dettes, mais que vous tirerez des bénéfices de votre séjour à Suan Mokkh.

Buddhadasa Bhikkhu ”The Natural Cure for Spiritual Disease”- Traduction de l'anglais par isara


  • Lire L'introduction + la première partie de cet enseignement sur le blog d'isara

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